Quand tu expliques, tu expliques… et tu expliques encore
Tu l’as peut-être déjà vécue, cette sensation étrange : tu expliques une tâche, avec soin. Tu prends le temps, tu détailles. Tu penses avoir tout dit.
Et pourtant, quelques jours plus tard, le résultat tombe… et tu sens une petite tension monter. Un genre de “Mmmh… c’est pas vraiment ça”.
Alors tu recommences. Tu reformules. Tu précises.
Et à la troisième tentative, tu te dis : « Bon, je vais le faire moi-même, ce sera plus simple. »
Spoiler : ce n’est pas plus simple.
C’est juste plus familier. Mais surtout, c’est épuisant.
Pas parce que ton équipe est incompétente. Pas parce que tu manques d’autorité.
Ce qui use le plus, ce n’est pas tant de faire.
C’est de répéter et de refaire.
- Ce tableau que tu avais demandé “plus lisible” et qui revient en mode kaléidoscope.
- Ce post que tu voulais “impactant” mais qui a l’impact émotionnel d’un mode d’emploi de lave-vaisselle.
- Cette relance client “autonome” que tu retrouves en mode copier-coller du mail d’il y a 6 mois.
Tu te demandes si tu t’es mal exprimée.
Puis tu te dis que tu l’as pourtant bien dit, trois fois.
Alors tu te replies dans une dernière option : le refaire toi-même. À 23h. En râlant intérieurement.
Tu n’as pas besoin de plus de bonne volonté.
Tu as besoin de clarté.
Quand j’ai délégué… pour tout refaire
Je suis dans mon bureau. Le silence est total, sauf ce petit bruit de l’ordinateur qui souffle. Il est tard. Je suis fatiguée, mais je tiens.
Je travaille 100h par semaine.
Il y a cette présentation client à livrer, et le week-end qui arrive ne sera pas synonyme de repos.
Alors je décide de déléguer une tâche administrative.
Un document à structurer. Rien de très stratégique. J’ai besoin de souffler.
Je vais sur Malt. Je trouve une prestataire compétente. Je prends le temps de lui expliquer.
Je détaille le contenu, je lui transmets les éléments. Je coche la case “c’est bon, c’est géré”.
Elle me rend le travail en disant : « Voilà, mission terminée. »
Je l’ouvre. Je regarde. Et là…
Ce n’est pas mauvais.
Mais ce n’est pas ce que j’attendais.
Pas du tout.
Alors je fais ce que je sais faire : je reprends tout.
Je travaille tout le week-end pour intégrer ce travail dans la présentation finale.
Je suis à la fois épuisée… et frustrée. Parce que j’ai délégué — et pourtant, je suis encore en train de tout porter.
Et là, prise de conscience :
Depuis vingt ans, j’aide mes clientes à clarifier leurs attentes, à structurer leur délégation, à poser des consignes nettes.
Mais moi ? Je n’ai rien fait de tout ça. (Miroir, mon beau miroir…)
J’ai cru que j’étais claire. Mais en réalité… j’étais pleine de sous-entendus, d’implicites, de “tu vois ce que je veux dire”.
Alors j’ai changé de posture.
J’ai commencé par poser mes critères.
Je suis devenue explicite. Je différencie ce que je veux absolument… de ce qui est optionnel.
Et surtout, je dis quand je ne sais pas encore ce que je veux. Parce que déléguer du flou, c’est offrir un labyrinthe sans carte.
J’ai affiné ma façon de recruter
Aujourd’hui, je choisis des personnes capables de me dire : “Je ne suis pas sûre d’avoir bien compris, est-ce que je peux te poser quelques questions ?”
Et je célèbre ce réflexe. Je ne veux plus des exécutantes parfaites qui devinent — je veux des collaboratrices capables de réfléchir, de me confronter avec tact, de chercher la justesse avant l’exécution.
Je leur donne l’autorisation explicite de poser toutes les questions nécessaires. Pas pour me faire perdre du temps, mais pour en gagner des heures… et de la sérénité, des deux côtés.
Résultat ?
Je délègue avec plus de clarté, et elles travaillent avec plus de confiance.
Et quand quelque chose est flou, ce n’est plus un tabou : c’est un sujet de conversation.
Le flou, ce n’est pas un manque d’effort. C’est un manque de définition.
Le flou, c’est comme du brouillard : on croit voir les contours… mais on avance à tâtons.
Et ça crée de l’épuisement, des incompréhensions, et une boucle de déceptions invisibles.
Moins de la moitié des salariés (et évidemment chez les prestataires indépendantes, c’est souvent pire) déclarent comprendre clairement ce qu’on attend d’eux au quotidien » — un flou qui crée de la frustration et du travail refait.
Ce n’est pas que les autres ne veulent pas bien faire.
C’est qu’elles ne peuvent pas lire dans ta tête.
Et soyons honnêtes : parfois, tu n’es même pas sûre de ce que tu veux exactement.
Tu ressens un “non” intérieur… sans pouvoir formuler le “oui” que tu cherches.
C’est ici que commence le vrai leadership :
Pas dans le contrôle. Dans la clarté.
5 étapes pour déléguer sans tout refaire derrière
Avant de commencer, posons un truc important :
Être claire sur ce que tu veux, ce n’est pas être rigide sur comment cela doit être fait.
Tu peux (et c’est même recommandé) définir précisément le résultat que tu attends, tout en laissant la liberté sur la méthode.
C’est cette combinaison qui fait la différence entre une cheffe inspirante… et une contrôleuse fatiguée.
1. Clarifie ton résultat attendu
Avant toute délégation, pose ces questions :
- Qu’est-ce que je veux obtenir concrètement ? (format, style, timing, intention)
- Quels sont mes critères de réussite ?
- Et si je ne sais pas encore : qu’est-ce que je veux tester, explorer, valider ?
Ce que tu veux, c’est une vision partagée du “quoi” — pas un scénario figé du “comment”.
Exemple :
Tu veux un post LinkedIn qui transmette de la fierté et de l’impact → ça, c’est le résultat clair.
Mais tu n’es pas obligée de définir ligne par ligne la tournure des phrases → ça, c’est la liberté d’exécution.
Clarté intérieure → communication limpide.
Communication limpide → moins de refait, plus d’autonomie.
2. Transforme tes intentions en consignes explicites
Ce n’est pas parce que tu formules précisément ta demande que tu fais du micromanagement.
Le micromanagement, c’est quand tu dictes chaque clic, chaque virgule, chaque “tu devrais faire comme moi”.
Toi, tu poses un cap clair, avec des balises précises, et tu laisses ton équipe naviguer avec ses propres outils.
“Fais quelque chose de visuellement sympa”
- “Je veux un visuel carré, avec 3 couleurs max, dans le style de X, pour un public de consultantes en RH.”
Puis tu ajoutes :
“Tu peux me proposer une ou deux versions si tu vois d’autres pistes, je suis ouverte aux suggestions.”
Tu maintiens ton intention… sans imposer ton chemin.
3. Pose les règles du jeu
Définis ce qui est :
- Non négociable
- Préféré
- Libre
Tu permets à ton équipe de proposer, innover… sans dériver.
4. Crée des ressources de référence
Exemples réussis, modèles types, checklists internes, lexique de ton style…
Tout ça évite les malentendus récurrents. Et te fait gagner un temps fou.
5. Laisse de la place à l’imperfection utile
Tu as le droit de dire : « Je ne sais pas encore ce que je veux, mais je sais ce que je ne veux pas. »
Ta vulnérabilité posée crée de la confiance.
Et quand tu sais que tu es claire, tu peux aussi tolérer que l’autre fasse autrement… tant que l’intention est respectée.
Si tu veux une équipe autonome, commence par poser ce que tu attends vraiment
Une équipe qui ne décide rien sans toi n’est pas un symptôme d’incompétence.
C’est souvent un effet secondaire d’un flou non nommé.
Et ce flou, tu peux le transformer.
- En clarté.
- En repères.
- En respiration.
Parce qu’en définissant ton cap, tu offres aux autres la possibilité de marcher à tes côtés — pas à ta traîne.
Et toi, qu’est-ce que tu veux déléguer efficacement aujourd’hui ?
Quel est le sujet que tu expliques encore et encore… et qui finit toujours par te retomber dessus ?
Quelle première consigne pourrais-tu clarifier dès demain ?
Partage ton exemple en commentaire — je suis sûre qu’il parlera aussi à une autre entrepreneure brillante… et un peu épuisée.
Et si cet article t’a parlé, envoie-le à celle qui vient de te dire hier : “Je ne comprends pas pourquoi ils ne font jamais comme j’ai demandé !”
Parce qu’à plusieurs, nous pouvons aussi sortir du flou avec humour. Et un bon thé.